Offensif, de crise, de relance de l’économie ou au contraire défensif et économe, le budget de combat est assaisonné à toutes les sauces en particulier depuis le début de la crise Covid. Ces trois dernières années, se sont multipliés les exemples de ces budgets commandos, quelle que soit la collectivité concernée. Chambéry ne fait pas exception et a proposé, lundi 13 mars, un budget que Thierry Repentin appelle « volontariste », riche en investissements et extrêmement scrupuleux en termes d’économies de fonctionnement.
« Un budget que l’on souhaite combattif pour une année record en termes d’accompagnement de l’économie locale ». Thierry Repentin, en marge du conseil municipal du 13 mars, définissait ainsi le budget primitif de la ville version 2023, en passe d’être approuvé quelques heures plus tard en séance. Après deux premiers exercices marqués et contrariés par la crise Covid puis la crise économique liée à la guerre en Ukraine. Doté de 142 millions d’euros dont 31,9 millions dédiés à l’investissement, « soit une hausse de 15% par rapport à 2022 » , ce budget fait la part belle aux projets structurants. Volontariste, combattif, responsable, les termes ont été répétés à l’envi et ce n’est pas une nouveauté car la notion de budget de combat (ou volontariste) est désormais une sorte d’argument de vente, à la fois pour les habitants et les oppositions de tout poil, un marqueur de dynamisme en phase avec les promesses faites en campagne. Il prend seulement des formes bien différentes selon les circonstances. « Ce budget est un budget de combat car dans un contexte difficile et incertain, il permet à Chambéry d’amplifier ses efforts en matière de transition écologique et sociale (…) Il est la traduction concrète d’une volonté de gestion rigoureuse des services publics et d’un projet dont les Chambériens verront la traduction dans tous les quartiers » , résume Pierre Brun, conseiller municipal délégué au pilotage financier. La ville fait le choix de la relance et de la prise de risque.
Le combat, un élément de langage largement exploité
Maîtrise des dépenses sans casser la dynamique de reprise économique ? Tel était le crédo de la communauté de communes de la Souterraine, dans la Creuse ce mois-ci à l’heure de voter son propre « budget de combat ». Le département de la Haute-Vienne a choisi son combat, cette année également, celui de poursuivre le processus de développement local « dans un contexte de crise et de suppression des recettes fiscales par l’Etat ». La métropole de Rouen a pris la même direction, tandis que Lourdes, en avril 2022, avait privilégié la maîtrise des dépenses « dans une ville déjà bien endettée » et a fait la part belle à « l’investissement qui doit permettre de réduire les charges de fonctionnement » , à l’image de Chambéry, donc.
Avignon, le conseil régional du Centre-Val de Loire, qui a opté pour un recours « accru » à l’emprunt ou encore Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre de François Hollande, ont parlé de « budget de combat » , ce dernier ayant eu pour objectif de redresser le pays et de lutter contre la dette de l’Etat sans recourir à l’emprunt Les exemples sont légion et chacun a sa définition de ce qu’est un budget de combat. Offensif en privilégiant l’investissement et l’irrigation de l’économie, défensif en cherchant surtout à réduire les coûts, prudent lorsqu’il tente de subir au mieux les événements extérieurs, il fait partie du langage commun et s’oppose en général à des opposants politiques qui regretteraient un budget peu dynamique, paresseux, sans prise de risque. Sans audace, en définitive. Sauf que l’audace en politique… C’est pourquoi, en 2022, Bordeaux Métropole avait voté un « budget volontariste et ambitieux » , selon les termes employés… se contentant finalement de « concrétiser les actions lancées en 2021 » …
Face aux crises, le volontarisme et le combat sont l’usage, François Fillon n’avait-il pas présenté, en septembre 2009, un « budget 2010 volontariste et vert » alors que le pays naviguait en pleine crise des subprimes ? « Le budget 2009 avait été celui de la relance au prix d’un déficit très lourd. 2010 sera le budget de la reprise » , indiquait l’ex-premier ministre de Nicolas Sarkozy. Un an plus tard, il sera contraint de revenir à plus de prudence alors que le pays était en passe de perdre son AAA et que les perspectives de croissance devaient être revues à la baisse.
A la fois budget de reprise ou de sortie de crise et budget préventif à l’orée d’une crise, il est un bon argument, suffisamment vendeur pour suggérer une politique offensive, une ambition affirmée… même si d’une année à l’autre, tout peut être remis en cause. Le budget de combat suscite l’espoir de jours meilleurs.
A Chambéry, de l’extrême prudence au volontarisme
A Chambéry, ce budget 23 se veut ambitieux (comme, fait étrange, la version 2022 qualifiée également d’ambitieuse et de responsable par le maire mais à des niveaux moindres) bien que gêné aux entournures par toute une série de contraintes qui dépasse le strict cadre de sa propre gestion*, à l’image de la crise Covid qui avait coûté pas moins de 4,5 millions à la ville, « sans compensation de l’Etat ». A contre-courant toutefois du début de mandat, lorsque les décideurs avaient appelé à la plus grande prudence : peu de marges de manœuvre pour les budgets 21 et 22, la municipalité n’ayant volontairement pas eu pour objectif « le développement de grands projets » , plus encline à « rester sur un scénario prudent, proche du scénario de référence » (lire notre article du 25 février 2021).
2023 est donc un budget enfin conquérant mais « pas simple à construire » , de l’aveu de Pierre Brun, « du fait des taux d’intérêt et du coût des fluides qui se sont envolés. Nous portons des projets ambitieux en maintenant un haut niveau de service public, sans augmentation des tarifs, et en limitant l’endettement à un niveau soutenable ». Ajoutons un soutien massif au tissu associatif et des investissements répartis sur l’ensemble des quartiers chambériens, vous obtenez ce fameux budget « volontariste qui ne sollicitera pas les Chambériens puisque les taux de la fiscalité resteront en l’état » vanté par le maire, malgré une base qui après avoir progressé de 3,4% en 2022 subit une nouvelle augmentation de 7,1%. Un budget qui fera du bien, en somme. Le sujet de la fiscalité a bien été remis sur le tapis par Benoît Perrotton, comme il le fit déjà il y a un mois et demi lors du rapport d’orientation budgétaire (« Je vous le demande, pourquoi avoir augmenté la fiscalité des Chambériens ? C’est un an de perdu et c’est triste d’avoir raison par moments. Les impôts levés n’ont pas servi à l’investissement » ) mais la majorité n’a pas abondé. Cette augmentation a néanmoins permis de dégager une marge d’1,4 million d’euros, ce qui est déjà appréciable. A noter que lors du ROB, à cette hausse fiscale, Benoît Perrotton aurait préféré « une gestion en bon père de famille » soit un budget qui ne permet que de « faire avec ce que l’on a ». Pas très volontariste tout ça… Aurait-il privilégié un budget de combat de type prudent ?
* Dans ce budget, 5 millions sont programmés pour parer aux besoins énergétiques de la ville, un poste ayant augmenté d’1 million en un an. Les taux d’intérêt pèsent à hauteur de 830 000 euros de plus par rapport au précédent budget. Et les mesures décidées par l’Etat comme la hausse du Smic (1,4 million de dépenses en plus pour la rémunération des agents cette année) ont achevé de faire pression sur ce budget.
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