Le tapis rouge est rangé, les coupes de champagnes remisées, les restaurants partenaires ont repris une activité normale, Aix se prépare à accueillir l’été même si le festival en est un avant-goût tout comme l’est celui de Cannes (avec la pluie plus fréquente en plus). Certains films demeurent gravés, certains moments, sur scène, en coulisses, aussi, on se souviendra de cette édition comme de la précédente et il y a plein de raisons à cela. Passage en revue de ce qu’on a aimé, à Aix, durant ces 5 jours mais aussi de ce qu’on a un peu moins aimé.
La donne avait changé : délocalisé au casino Grand-Cercle pour plus de proximité avec les Aixois, plutôt que maintenu au centre des Congrès, excentré, le festival du cinéma français et de la gastronomie avait voulu se reconnecter aux habitants en devenant plus central, plus visible, comme incontournable. Et la perspective de projections au théâtre du casino, avec tout ce qu’il contient d’historique, donnait du cachet à un événement appelé à durer dans le temps. Les masterclass, organisées dans le salon Raphaël, avaient de la tenue et plus généralement, le casino, l’un des plus beaux de France, se prêtait à cet univers de glamour et d’amour avec le cinéma d’en France.
« Je t’aime, mon Jean… »
On a aimé voir ces curieux ou passionnés, particulièrement respectueux, se masser autour du tapis rouge, chaque soir, tenter d’attraper un instant fugace avec l’une des personnalités présentes. Forcément, à chacune de ses apparitions, Antoine Duléry faisait son numéro parce qu’il est ainsi fait et qu’un Duléry à un enterrement réveillerait les morts. Laurent Gerra, le parrain d’une édition désertée par celui qui s’était l’an dernier attribué le titre de parrain à vie, François Berléand, faisait dans la sobriété, faite de peu de mots et d’une saillie toujours inattendue. On a vu Alex Lutz acclamé, en particulier au moment où le fameux tandem formé avec Bruno Sanches (« Catherine et Liliane » sur C+) se retrouvait sous les ovations, on a admiré l’élégance de Tchéky Karyo (et quelle voix !), le glam’ d’Estelle Lefébure, la beauté naturelle et juvénile de Camille Lou (« Chasse gardée » ), l’extrême simplicité de Julien Rigoulot (« Petit Jésus » ), l’humour candide de Philippe Lefebvre (« Nouveau Départ » ) sur scène comme en entretien, la disponibilité des acteurs, actrices, des réalisateurs, prompts à décrypter avec nous le sens caché de leurs productions, on a aimé revoir Jean Becker à 90 ans tout juste, dont la filmographie, de « l’Eté meurtrier » aux « Enfants du marais », convoque nécessairement un souvenir puissant en chacun de nous. Que dire de la touchante déclaration d’amour de Gérard Lanvin à son endroit ou des anecdotes de tournage d’André Dussolier (et les disparitions inexpliquées de Jacques Villeret provoquant l’hilarité du théâtre), diffusées sur grand écran… On a aimé Sophie Alves, maquilleuse pro, Gérard Krawczyk, réalisateur, et ces professionnels venus distiller la quintessence de leur art. On a aimé le sourire de Patrick Préjean et son anecdote sur cette partie de son enfance passée non loin de là, à Mouxy.
On a aimé l’étonnement béat de Mathieu Lestrade et Suzy Deschamps, au moment de recevoir leur prix du meilleur court métrage, on a aimé voir la jeunesse célébrée par ce prix François Chalais, décerné par sa veuve Mei Chen Chalais…
Un lien désormais indéfectible
On a aimé la programmation subtile d’Arnaud de Gardebosc, des films ayant « ce rapport au couple » en commun, selon René Bonnell, l’un des créateurs de Canal +, au micro de Franck Presti lors de la soirée de clôture. Pourtant, plus que cela, c’est bien de lien dont il est question, au centre de tous ces longs métrages, le lien familial, parfois distendu, brisé, rafistolé… Il baignait dans cette programmation un parfum d’après-Covid, comme une envie chez chaque cinéaste, de montrer la légèreté du monde après ces mois de repli et d’anxiété. Et qu’importe si la gravité de certains propos émergent, au final, les bons sentiments l’emportent et nous ont emportés avec eux. Une filmo qui fait du bien en définitive. On a aimé l’apparition surprise de Franck Dubosc… au téléphone. Au moment de recevoir son prix d’interprétation pour son rôle – à contre-emploi – dans « Nouveau départ », un titre qui donne de l’ampleur à la palette d’un humoriste trop longtemps cantonné aux rôles de dadais au grand cœur. Au téléphone, sur la scène du casino, il a remercié le public, s’est offert quelques traits d’humour, notamment avec Philippe Lefebvre, dont le film a été auréolé du prix du meilleur film et… de la meilleure coiffure. Ce dernier ne manqua pas de féliciter sa tête d’affiche pour son toupet bien ordonné sur la pellicule. On a aimé l’ambiance générale, la météo généreuse, les facéties de Florent Peyre sur le tapis rouge, la joie de tous ces gens heureux d’être là, en chair, en public et en os…
Et puis on a regretté les défections de dernière minute de quelques têtes d’affiche dont la présence augurait de savoureux moments, de Bruno Solo à Didier Bourdon, jusqu’à Nadine Trintignant, qui à 88 ans raréfie désormais toute sortie publique. On a regretté que la gastronomie locale n’ait pas davantage été mise en valeur, limitée pour le grand public à des réservations dans les restaurants où étaient invitées les équipes de chaque film en compétition. On a regretté aussi le manque de visibilité dont souffre encore cet événement au-delà des frontières aixoises, en dépit de son caractère unique et des moyens mis par Valérie Thuillier, Frédéric, son mari, Franck Presti, son frère et animateur de ces 5 jours, et les 40 bénévoles pour faire de la belle thermale une capitale du ciné hexagonal. Ça viendra, espère-t-on. On parie pour la 3e édition, du 4 au 8 juin 2024 ?
Ce n’étaient, au final, que de petits regrets dans un océan de plaisir.
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